Des saisons expliquées aux enfants

J'ai été assez surpris de voir des explications du phénomène des saisons aux enfants dans des fiches à destination des enseignants, contenant un mélange d'explications justes et de formulations malheureuses.

Certes la plupart des fiches explicatives ne tombent pas dans le travers de dire que la Terre est plus proche du Soleil l'été que l'hiver.

Elles représentent correctement l'obliquité de l'axe de rotation de la Terre, et le fait qu'en juin, l'hémisphère nord est légèrement penché vers le Soleil, alors qu'en décembre, la Terre est à l'autre bout de son orbite et c'est l'hémisphère sud qui est penché vers le Soleil.

Mais là—patatra—est écrit qu'il fait plus chaud en juin parce que l'hémisphère nord est plus proche du Soleil.

Alors, oui, pour les enfants il faut simplifier les choses. Mais faut-il les simplifier au point de dire quelque-chose de ridicule ?



Revenons sur le premier point qui est intéressant. C'est vrai que la Terre est plus proche du Soleil durant l'été… de l'hémisphère sud ! Pour l'hémisphère nord, c'est en hiver que la Terre est plus proche du Soleil. Cela rend caduque toute tentative d'explication d'une différence principalement due à la distance.

D'ailleurs quel est l'effet de cette distance ? L'excentricité de l'orbite est e=0,0167…. Le ratio k=R/r entre la distance la plus lointaine (aphélie, le 5 juillet en 2021) et la plus proche (périhélie, le 2 janvier en 2021) est k=(1+e)/(1-e) donc k≈1,034. Le ratio entre la puissance solaire reçue par la Terre au plus proche et au plus loin est de k2≈1,07. Autrement dit l'énergie que nous recevons varie de 7% (ce qui n'est pas négligeable). Notez: ces sept pourcents sont la conséquence d'un rapprochement d'environ 5 millions de kilomètres.

Ainsi début juillet la Terre dans son ensemble reçoit 7% d'énergie de moins que début janvier. Et pourtant il fait plus chaud en France en juillet qu'en janvier.

Demandons-nous maintenant quel est l'effet du rapprochement de l'hémisphère nord dû à son seul basculement vers le Soleil. Sachant que la Terre fait R=6 400km de rayon, on se doute bien que ce ne sera pas grand chose. Les points qui se rapprochent le plus du Soleil l'été par rapport à l'hiver le font de R×4×sin(o/2) où o≈23,5° est l'obliquité. Autrement dit d'environ 5 000km. Comparé aux 5 millions de kilomètres du paragraphe précédent on a un effet… mille fois moins important, soit d'un ridicule 0,007%.



C'est pourtant bien le fait que l'axe de la Terre n'est pas perpendiculaire au plan de son orbite, qui crée les saisons. La direction dans laquelle cet axe pointe ne varie pratiquement pas au cours d'une année. La moitié de l'année, l'hémisphère nord est orienté un peu plus vers le Soleil, l'autre moitié c'est l'hémisphère sud. Cela a un double effet, d'autant plus important que l'on vit près des pôles.

Par exemple prenons une personne vivant à 45° de lattitude (à peu près celle de Grenoble). L'hiver le jour dure 8h34 et l'été 15h26. Ça fait presque le double.

Mais ce n'est pas tout, l'hiver le Soleil est plus bas sur l'horizon et cela diminue l'énergie reçue par deux mécanismes : d'une part une épaisseur plus grande d'atmosphère à traverser, mais surtout l'effet de l'angle entre le sol et la source de chaleur (source=le Soleil). Si on tient compte de cela, le facteur n'est pas d'à peu près 2 mais de

4,3
soit, dit de façon provoquante, une augmentation de 330%.

Autrement dit, en tenant compte uniquement de l'obliquité de l'axe de rotation de la Terre, après un calcul un peu compliqué on obtient que l'énergie reçue du Soleil sur 1m2 de sol à 45 degrés de lattitude le jour d'été le plus long en l'absence de nuage est 4,3 fois plus importante que l'énergie reçue par ce même morceau de sol le jour d'hiver le plus court en l'absence de nuage. Et encore, dans ce calcul j'ai ignoré l'effet de l'épaisseur d'atmosphère traversée par les rayons.



Bien sûr, l'air se déplace d'une région à l'autre du globe et uniformise partiellement les températures. L'effet de serre et l'inertie thermique du sol permettent de conserver la chaleur au lieu qu'elle se perde tout de suite dans l'espace (sinon il ferait -270°C la nuit). Les nuages cachent parfois le Soleil, et la nuit permettent de mieux garder la chaleur. Tout cela est compliqué, dépend des montagnes, de la circulation océanique, etc.

Notons enfin que la puissance du Soleil est plus ou moins grande selon les années, mais sur les quarante dernières années par exemple, ces oscillations n'ont pas dépassé un demi pourcent.



Oui, mais qu'est-ce qu'il faut dire aux enfants ? N'étant pas enseignant dans les petites classes, c'est difficile pour moi de jauger, entre simplification, exactitude, capacités de compréhension, connaissances préalables, etc. Voici quelques pistes : Et pour des enfants insistants : Bon courage.